L’âge d’or des startups de vente de voitures en ligne, 2e partie

Par José Senent, fondateur, AutoRéduc.com

Je vous parlais récemment du boom des startups de vente de voitures en ligne et de l’énorme intérêt des investisseurs pour celles-ci.

Les derniers événements ne font que confirmer ce constat, puisque plusieurs nouvelles startups ont levé des fonds importants ce dernier mois. En Chine, Renrenche vient de réaliser un troisième tour de table de 85 millions de dollars, portant sa valorisation à 500 millions. Nul doute qu’un prochain tour suivra très prochainement, puisque, cette fois, c’est le géant Tencent qui a investit dans la startup chinoise, fondée il y a seulement deux ans par d’anciens directeurs de Baidu.

Le business modèle de Renrenche est identique à celui d’AutoRéduc Occasions, à savoir, une marketplace qui permet aux particuliers de vendre ou acheter un véhicule en toute sécurité, avec expertise et livraison à domicile.

Aux US, Shift, dont je vous parlais ici, vient de réaliser un deuxième tour de table de 50 millions avec Goldman Sachs. La startup fondée par 3 ex-Googlers, qui, malgré un premier tour de table de 20 millions (!), avait du mal à trouver son business modèle, a finalement choisi le système de consigne avec conciergerie : de « gentils organisateurs » vont chercher le véhicule chez le vendeur et l’amènent dans un entrepôt où il est photographié et remis en état, puis l’amènent chez les clients intéressés pour un essai.

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Shift se différencie ainsi radicalement d’AutoRéduc et de Beepi par la possibilité d’essayer le véhicule à domicile, mais le vendeur doit laisser sa voiture chez le marchand jusqu’à ce qu’elle soit vendue. C’est un business modèle courageux, qui ne nous plaît pas beaucoup, mais qui peut marcher dans les grandes villes s’il s’appuie sur une force de travail « on demand », soit, en mode « Uber ».

J’attire votre attention sur les nouveaux investisseurs de Shift, Goldman Sachs, qui confirment, non seulement le boom extraordinaire que nous vivons dans le secteur de la vente automobile digitale, mais également l’arrivée de Wall Street à la Silicon Valley. Les grandes banques d’investissement essaient, en effet, d’entrer de plus en plus tôt dans le capital des startups avant qu’elles ne deviennent des « licornes« , car leurs énormes valorisations les empêchent, par la suite, de réaliser une IPO profitable.

Du côté des marchands « classiques », Vroom, toujours aux US, vient de lever 19 millions de dollars + 35 millions en dette, deux ans seulement après son « lancement ».

J’écris « lancement » entre guillemets car Vroom est, en fait, un « copycat » exact de Carvana, dont je vous parlais dans la 1ère partie de ce billet, à savoir un marchand traditionnel, suffisamment visionnaire pour recruter une équipe de vrais « mercenaires » du Net, afin de relancer son activité en investissant sur les nouveaux essentiels : la photographie, la logistique et le reconditionnement, au lieu de succursales et agences.

Pour comprendre le nouvel ADN de Vroom, sachez que la première chose que la startup a fait après sa levée de fonds a été de recruter, non pas un vétéran de la distribution automobile classique, mais l’ancien CFO de Zappos.

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Je reviendrai plus tard sur Vroom mais, aujourd’hui, je vais surtout vous parler des nouvelles startups spécialisées dans le « C2B » (Customer to Business).

D’importants changements sont, en effet, en train de s’opérer dans le secteur de la « reprise cash« . A tel point que la dernière « licorne » européenne (start-up valorisée à plus d’un milliard de $), que presque personne ne connaît encore, est Auto1, dont je vous parlerai plus bas.

La reprise cash, ou reprise sèche, consiste à faire une offre de reprise pour un véhicule, à son propriétaire, sans que celui-ci ne soit obligé d’en acheter un autre. Ce concept a été « industrialisé » par Carmax, aux US, puis, en Europe, par AAAAuto, le plus grand marchand de voitures en Europe et l’un des deux seuls acteurs à cotiser en bourse (dont l’histoire mériterait, à elle seule, tout un article).

AAAAuto, un méga-marchand d’Europe de l’Est avait, en effet, déjà en 2008, une équipe d’acheteurs spécialisés pour contacter les particuliers vendant leur véhicule sur les sites de petites annonces et leur proposer une reprise « sèche » pour ainsi améliorer le sourcing. Les avantages sont principalement trois : nouveaux leads, accès aux meilleurs produits et optimisation de la rotation des stocks. Le désavantage : dévalorisation de votre marque si vous êtes trop agressif, ou pas assez pro, dans votre cotation.

C’est ce même modèle que j’ai proposé de mettre en place, chez Aramisauto, en 2010, lorsque je travaillais chez ce mandataire, proposition qui a abouti dans la création du site Reprise Illico et la mise en place de cahiers des charges spécifiques pour le reconditionnement des véhicules, avec le récent lancement de la méga-usine de reconditionnement.

Même si je n’approuve pas la politique de croissance d’Aramisauto par l’ouverture d’agences, j’ai un profond respect pour ce qu’ont accompli ses fondateurs et c’est avec grand intérêt que j’ai suivi l’ouverture de l’usine de reconditionnement. Je me souviens d’avoir beaucoup insisté, chez Aramis, sur deux choses : premièrement, sur la nécessité de réduire les temps de logistique et reconditionnement des véhicules et, deuxièmement, sur l’urgence de s’affranchir de la dépendance dans le sourcing B2B, qui commençait déjà à être très problématique. En effet, il était déjà clair, à l’époque, que les constructeurs allaient préférer garder leurs stocks de VO pour leurs réseaux et que les grands flux classiques d’approvisionnement de VO récents européens (Europe du Sud vers France et Allemagne) allaient bientôt s’épuiser (aujourd’hui, 5 ans plus tard, l’Espagne est devenue importatrice nette de ce type de véhicule).

Je vous raconte cela car l’approvisionnement en véhicules d’occasion est devenu très compliqué de nos jours et la rotation des stocks ne s’est, par contre, pas améliorée depuis, les marchands préférant garder les véhicules plus longtemps en stock, plutôt que de baisser leur prix de vente. Nous avons ainsi, en France, un temps d’ immobilisation moyen incroyablement haut, de 75 jours chez les concessionnaires, un chiffre qui ferait dresser les cheveux sur sa tête à Dale Pollack « guru » fondateur de VAuto et auteur du bestseller Velocity.

Depuis mon passage chez Aramisauto, d’autres mandataires, comme Elite-Auto, ont suivi leur exemple et lancé leur propre site de reprise cash, grâce aux outils de cotation en ligne, de plus en plus performants, proposés par l’Argus et Autovista.

Le problème principal des sites de reprise cash est leur politique de « bait and switch » qui consiste à offrir une proposition en ligne pas trop mauvaise pour attirer le vendeur du véhicule jusqu’à l’agence, où le commercial essaiera de le convaincre que son véhicule vaut beaucoup moins. Il y a également un gros problème de formation des commerciaux à la reprise, qui reste très limitant et non « scalable » pour ces marchands.

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Malgré ces progrès timides, l’industrie VO demande donc, à grands cris, à être « disruptée » : les marchands reprennent des voitures qu’ils revendent, essentiellement, à deux grands acteurs des enchères automobiles : BCA et Alcopa, qui les vendent ensuite à des petits marchands, qui les revendent aux particuliers…

Vous l’avez compris, une plateforme spécialisée « C2C », comme AutoRéduc, mettant en relation directement les acheteurs avec les vendeurs particuliers, peut capturer toute la valeur de la chaîne de commercialisation et… garder un client satisfait ! En effet, la marque ne se trouve pas dévalorisée car, contrairement aux acteurs mentionnés plus haut, nous envoyons notre expert au domicile du vendeur, ce qui nous permet de lui faire une proposition de reprise ferme.

Revenons maintenant à Auto1. Auto1 est la startup « stealth » par excellence. Lancée à Berlin en 2012, les allemands ont, en trois ans, levé plus de 200 millions d’Euros et préparent déjà un nouveau tour de 500 millions ! Plus de 400 personnes y travaillent et les 3 fondateurs viennent tous les trois de… Rocket Internet !

En effet, le fondateur et CEO d’Auto1, Christian Bertermann, est l’ancien VP Produit de Groupon Europe. Son associé, Hakan Koç, est l’ancien Chief Product Officer de home24.de et Christopher Muhr, le COO, n’est autre que le co-fondateur de City-Deal (Groupon Europe) et ex-Senior VP de Groupon EMEA.

Voilà qui explique le financement spectaculaire et le secretisme « à la Rocket Internet » (pour ma part, je suis convaincu que Rocket est directement derrière la startup, surtout avec l’arrivée de DST et le lancement de Carspring, dont je vous parlerai plus bas).

Auto1, « connue » également sous le nom de sa holding WKDA, n’a pas attendu pour se lancer partout en Europe. Calquée sur le modèle anglais de « Webuyanycar » (créé en UK par BCA !) le modèle, déjà très mature aux UK avec 5 gros acteurs présents, a été copié dans plusieurs pays, notamment en Russie, avec CarPrice qui vient de lever 40 mi après un an seulement, et Webuyanycar, lancé à Dubai et qui se développe dans tout le Moyen Orient et l’Allemagne.

Ce business modèle est, en effet, très facilement réplicable (si vous avez beaucoup de cash) et est l’exemple parfait de la théorie du « First-mover advantage« , théorie qui se confirme de moins en moins, mais qui reste néanmoins encore d’actualité pour certains business modèles.

Un maximum de 4 acteurs de ce genre peuvent survivre dans un même marché, ensuite c’est la surenchère, comme en UK, où les sites doivent proposer des prix d’achat impossibles à tenir pour attirer le particulier, en les revoyant ensuite fortement à la baisse lorsque celui-ci se déplace pour l’expertise, laissant une image de marque exécrable (c’est le problème rencontré également par les acteurs français).

Nous avions repéré Auto1 en 2013, car ils nous harcèlent, depuis lors, pour partager des articles de blog et des liens pour booster leur SEO. Ils ont, en fait, une équipe de marketing qui ne fait que ça : contacter les différents sites dans tous les pays dans lesquels ils se lancent (plus de 30 actuellement) pour partager des liens (encore appelés, à tort, « intelligents », malgré l’arrivée de Google Panda).

Leur stratégie est très efficace, ils ouvrent des centres de reprise low cost et lancent des sites dont le nom de domaine correspond au mot clé, dans la langue du pays. Pour la France, vous avez donc « Vendezvotrevoiture » et pour l’Espagne « Compramostucoche ». Le prix est souvent revu à la baisse, mais, comme le vendeur a parcouru pas mal de km et pris une demi-journée de son temps, il finit, en général, par accepter la nouvelle proposition.

Ils ont même créé la petite histoire, que fabriquent toutes les startups dignes de ce nom, de comment ils ont eu l’idée du business modèle, avec le fondateur qui n’arrive pas à vendre la voiture de sa grand-mère et qui voit l’opportunité du business dans un flash mystique 🙂

Fidèles à leur stratégie low-cost, ils ouvrent des centres de valorisation dans les parkings des centres commerciaux, comme celui-ci, en Espagne :

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Vous comprendrez mon étonnement lorsque certains confrères me disent qu’ils ne voient pas de menace de la part d’Auto1 en France. Ils ne connaissent, de toute évidence, pas son dernier investisseur, le russe Youri Millner, patron de DST, l’un des plus grands fonds au monde, présent dans toutes les licornes dont… Beepi !

Pourquoi des gens aussi brillants que ces ex directeurs de Rocket Internet ont-ils choisi ce métier, si ingrat et difficile, qu’est la vente de VO ? Disons que vous comprendrez, très bientôt, la signification et la portée de l’expression anglaise « Move the metal« .

A mon avis, il est certain que les allemands de Auto1 ne vont pas tarder à introduire, dans leur modèle, la brique « B2C« , afin de vendre directement à particulier et éliminer les marchands. Le dernier lancement de Carspring par Rocket Internet confirme ma thèse. Le fondateur de Carspring l’a d’ailleurs mentionné, très brièvement, lors d’une interview : ils prévoient de travailler directement avec les sites C2B.

Nous pensons donc qu’Auto1 et Rocket Internet vont, bientôt, se lancer dans l’acquisition de startups spécialisées dans ces briques B2C et C2C, surtout après avoir découvert, avec Carspring, les nombreux challenges du métier de vendeur automobile.

Curieusement, le phénomène des startups C2B suit une migration inverse à ce à quoi nous sommes habitués : cette nouvelle tendance est née en Europe et est en train de traverser l’Atlantique, avec le lancement, aux US du site Drivin, par Eric Lefkofsky, co-fondateur de… Groupon et vrai maître d’oeuvre du site de couponing archi-connu, raison de son succès et de son échec (pas pour lui). Drivin, récemment lancée et confondée par l’ancien CTO de Cars.com a, d’entrée, levé 10 mi, juste avec le concept 😉

Le secret de ces sites C2B est qu’ils essaient de mettre en place des mini-enchères entre les petits marchands participants. Il faut bien comprendre que la clé de la profitabilité du business du VO, que ce soit en C2B ou en C2C, est la reprise : si vous faites une bonne reprise vous avez un business, si vous faites une mauvaise reprise vous avez un problème.

En conclusion, vous voyez, cher lecteur, que le commerce automobile est en train de vivre une passionnante révolution. Tous les paliers sont en train d’être mis en place pour capturer toute la valeur de ce « vertical » automobile. Le secteur s’industrialise et se professionnalise digitalement, avec une réduction du temps de détention, qui passe des 75 jours pour les concessionnaires français à 10 jours pour les plateformes C2B et devient même négatif pour les plateformes Peer to Peer comme AutoRéduc.

Dans cette course, nous verrons bientôt apparaître de vrais géants, qui tireront profit de ces énormes nappes de cash flow disponibles et transformeront le métier à la manière des fonds de stocks et de commodities boursiers.

Nous aurons donc, d’un côté le sourcing C2B, avec ces géants de la reprise cash, mais qui ont une très mauvaise image auprès du public et, d’autre part, les plateformes « Full Stack » qui achètent au particulier à un prix moins « vexant » et qui se rattrappent en vendant directement à un autre particulier sans intermédiaires.

Les autres acteurs, qu’ils soient concessionnaires ou mandataires, auront de plus en plus de mal à trouver un sourcing de qualité et à vendre leurs produits en ligne.

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Vous comprendrez, maintenant, mon enthousiasme pour cette époque, unique, que nous traversons, car, là où le modèle d’AutoRéduc est particulièrement intéressant et raison pour laquelle nous croyons pouvoir devenir la prochaine licorne européenne, est le fait que nous contrôlons toute la chaine de valeur, tout en gardant une image de marque excellente.

Il est vrai que nous avons une chance incroyable, puisque nous avons deux géants, Beepi et Rocket Internet, qui vont livrer une bataille féroce pour le leadership en Europe, comme l’ont fait, il y a 5 ans, Groupon et Livingsocial, n’hésitant pas à racheter toute startup ayant acquis des parts de marché ou ayant de meilleures marges. Pour ce qui est des parts de marché, nous y travaillons constamment, sans jamais délaisser la qualité du service, quand à notre frugalité, ceux qui ont apprécié le film « Moneyball » savent de quoi je parle 🙂

Chance supplémentaire, nous avons, dans l’automobile, contrairement au secteur du « couponing », des barrières à l’entrée presque infranchissables aujourd’hui, puisque, comme le savent tous les professionnel du métier, il n’y a rien de plus difficile que de vendre un VO sur internet et de le livrer à domicile. Si vous ajoutez, à cela, la reprise, également à domicile, je vous laisse imaginer les challenges que nous avons affrontés ces 5 dernières années chez AutoRéduc.

Il est donc extrêmement motivant pour moi de voir ce bouillonnement de la vente automobile en ligne, alors que nous sortons à peine de la plus grande crise de son histoire.

La véritable raison de cet engouement des investisseurs est que, comme je le répète souvent, l’auto est le dernier « multi-billion dollar business » à « disrupter ». Et je ne vous parle pas de la production, dont se chargent déjà Tesla, Google et Apple, mais de la distribution. Quand on sait, en effet, que l’automobile est le 2e achat le plus important d’une famille et que l’automobiliste français dépense, en moyenne, 6000 € par ans, le potentiel est vite compris.

Curieusement, même le secteur immobilier est plus avancé digitalement que l’automobile, avec, par exemple, les nouveaux réseaux de mandataires immobiliers indépendants qui sont en train de supprimer les agences physiques. Le groupe Pinault a, d’ailleurs, racheté dernièrement les deux leaders, Capifrance et Optimhome, réseaux pour lesquels notre call-center, Orbicall, fournit les leads vendeurs.

En conclusion, je prédis qu’il ne restera que deux types d’acteurs dans la distribution VO : les plateformes C2C, ou Full Stack et les marchants qui sauront s’adapter au digital, comme Carvana et Vroom.

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José Senent est le fondateur du site Autoreduc.Com

José a travaillé chez AramisAuto et Elite-auto, puis a intégré l’accélérateur américain Founder Institute où il a créé AutoRéduc, devenant par la suite Mentor du cours « Sales and traction » du FI Paris.

AutoRéduc, « le concessionnaire à domicile », a été nommée par le Founder Institute meilleure startup européenne et sélectionnée par le Wall Street Journal comme une des « Europe most promising startups ». AutoRéduc a, entre autres, également fait la une de la section Business dominicale du New York Times.



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